(image tirée de http://repasgourmand.canalblog.com/archives/2010/03/13/17222706.html ; et oui, il n’y a pas que le trading et l’économie dans la vie !)
Je vous livre ici la quatrième et dernière partie de la discussion entre un économiste et un physicien sur les limites de la croissance exponentielle.
Vous pouvez retrouver les autres articles de la série ici:
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Economiste: Je dois m’opposer à l’affirmation selon laquelle la croissance doit s’arrêter une fois que le rapport quantité d’énergie / prix atteint une limite. Il y aura toujours des innovations que les gens voudront acheter et qui ne nécessiteront pas l’utilisation d’énergie supplémentaire.
Physicien: Les choses changeront certainement. Lorsque je parle d’une économie “constante”, je ne veux pas dire “statique”. Les aléas de la mode feront toujours partie de nos préoccupations, nous n’allons pas cesser de nous comporter en humains ! Mais je pense davantage à une sorte de jeu à somme nulle. Les modes vont et viennent. Une certaine part du PIB sera toujours consacrée à la mode ou la nouveauté du jour, mais pendant qu’une mode apparaît, une autre tombe dans l’oubli. Les innovations permettront donc des changements dans l’économie, mais pas forcément sa croissance.
Economiste: Mais la question principale est de savoir si la vie dans 400 ans sera indéniablement de meilleure qualité qu’aujourd’hui. Même si l’énergie est fixée et que le PIB est fixe, est-ce que la qualité de vie s’améliorera réellement ?
Physicien: Je ne sais pas si une telle affirmation peut être objective. Beaucoup de gens regrettent les temps passés. Peut-être n’est-ce le résultat que de l’ignorance ou du romantisme. Cela peut être vraiment excitant de s’imaginer vivre pendant la Renaissance, jusqu’à ce qu’un pot de chambre vidé par la fenêtre ne vous éclabousse. Quoi qu’il en soit, quelle sorte d’amélioration universelle et objective peut-on imaginer ?
Economiste: Bien, par exemple, regardons un dessert, avec un sirop décoratif sur une belle assiette. Il est magnifique et certainement goûteux. La valeur que nous donnons à ce dessert est supérieure au même dessert sans décoration. Les grands chefs continueront d’innover. Imaginons une recette d’un futur éloigné de 400 ans qui vous étonnera. Vous ne pourriez même pas imaginer qu’un dessert pourrait être si extraordinairement beau et si délicieux. La foule ferait la queue pour contempler une telle création. Pas plus d’énergie, pas plus d’ingrédients, mais une valeur ajoutée pour la société. Cela est une forme d’amélioration de la qualité de vie, qui ne nécessite pas des ressources additionnelles et qui coûtera probablement la même part du PIB.
Physicien: Cela me rappelle une histoire. J’étais à l’observatoire du Mont Palomar avec un gourou de l’instrumentation optique qui m’a appris beaucoup de choses. Son repas de la nuit, préparé au soir par la cuisine de l’observatoire et conditionné dans un sac marron, était constitué d’un sandwich au thon formé de deux parties: des tranches de pain enveloppés dans un film plastique, et une salade de thon eux aussi enrobé de ce film. Cette séparation évitait que le thon ne ramollisse le pain au bout de plusieurs heures. Il posait son thon entre deux tranches de pain et cela ressemblait à un serpent qui venait de manger un rat. Étonné, je lui demandais s’il comptait étaler le thon sur le pain avant de le manger. Il me regarda énigmatiquement et m’a répondu que “tout finira au même endroit”.
Autrement dit, une présentation esthétique aussi extraordinaire soit-elle, n’aura pas une valeur universelle pour la société. Tout ira au même endroit après tout.
CONCLUSION:
En repensant à cette discussion, on peut se dire qu’un économiste qualifié ne devrait pas avoir à reculer devant les arguments d’un scientifique sans aucune connaissance particulière en économie.
Nous avons dû reconnaître plusieurs points essentiels:
– l’énergie peut avoir des limitations physiques
– l’efficience a des limites, même si on s’intéresse à la réalité virtuelle.
– l’énergie a forcément un prix plancher, ce qui oblige de reconnaître une fin de la croissance éternelle du PIB
Je vais citer un livre (non traduit à ce jour en français): Ecological Economics d’Herman Daly et Joshua Farley:
“… Nous ne partageons pas le point de vue de nombre de nos collègues qui affirment que la croissance résoudra le problème économique, que les étroits intérêts personnels sont les seules motivations humaines fiables, que la technologie trouvera toujours des substituts à une ressource épuisée, que le marché peut efficacement partager tous les types de biens, que le marché libre aboutira toujours à un équilibre entre l’offre et la demande, ou que les lois de la thermodynamique sont sans effets sur l’économie.”
En passant, cela m’inspire un graphique que j’ai vu quelque part sur le net, Ã propos de la dette US. Belle exponentielle non ? Bon d’accord, elle n’a rien avoir avec la croissance du PIB.. Quoique…
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